"Notre engagement à nous, c'est d'être prêt" : Émilie Chevrillon, comédienne, se révèle dans le seul en scène "Madame Marguerite"

"Notre engagement à nous, c'est d'être prêt" : Émilie Chevrillon, comédienne, se révèle dans le seul en scène "Madame Marguerite"

"Notre engagement à nous, c'est d'être prêt" : Émilie Chevrillon, comédienne, se révèle dans le seul en scène "Madame Marguerite"

Forte de nombreuses succès, la comédienne et metteur en scène Émilie Chevrillon ne cesse d'être sur les planches. À l'occasion de son prochain spectacle "Madame Marguerite", la rédaction de Casting.fr est partie à sa rencontre pour découvrir tous les secrets de sa carrière.

Émilie Chevrillon bonjour et merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. On vous retrouve à l’affiche de la pièce "Madame Marguerite" au Théatre Essaïon, à partir du 17 octobre 2023. Parlez-nous de ce nouveau projet.

E.C : C’est un projet complètement fou ! Je suis en répétitions en ce moment et parfois je me lève en me demandant pourquoi je m’impose ça ! C’est un rôle tellement exigeant, tant au plan de la mémoire, que physiquement, émotionnellement, énergétiquement… bref je ne peux quasiment rien faire d’autre. De plus la mise en scène veut que je danse… que je chante aussi. C’est un défi de A à Z. En même temps, le texte est fou, irrévérencieux, drôlissime, puissant, à contre-courant, je ne pouvais évidemment pas refuser.

Devenir comédienne, était-ce un rêve d’enfant ?

E.C : Oui tout à fait ! On ne sait jamais comment naît un tel rêve. La joie quand on est enfant d’être le centre d’attention peut-être, de faire rire sa famille… c’est aussi une nécessité, un besoin d’expression. Je crois qu’on devient comédien parce qu’il y a quelque chose qu’on n’a pas supporté.

Quelle formation avez-vous suivie ?

E.C : J’ai été dans un cours qui n’existe plus maintenant, tenu par le metteur en scène Antoine Campo, Ange Magnetic Théâtre. C’était une sorte de laboratoire d’expérimentation absolument passionnant, mélangeant des comédien.ne.s professionnel.le.s, des apprenti.e.s comme moi, des amateur.rice.s. C’était humainement d’une immense richesse. Et Antoine Campo maîtrise beaucoup de techniques différentes, influencé aussi bien par Strasberg et Stanislavski, que Grotowski, Feldenkrais, Freud, Pollock. La dernière année nous avons monté pas moins de 17 pièces en intégrale, de Sophocle à Koltès, dont plusieurs ont eu une vie après le cours, dans des théâtres à Paris, Avignon, et en tournée.

"Madame Marguerite" est un monologue tragi-comique. Vous êtes seule sur scène face au public. Qu’est-ce que cela change pour vous ?

E.C : Absolument tout. Parce que pour moi, le théâtre, c’est avant tout de l’écoute, et la joie d’être en troupe ! Heureusement, j’ai déjà l’expérience du seul en scène, j’en ai joué deux avant "Madame Marguerite". L’exercice est épouvantablement difficile, on a un fort sentiment de vide. C’est sans filet. Et on est très perméable au public. J’ai compris que l’élément essentiel du seul en scène, c’est la confiance. On se confie à soi, au texte, au public, comme lorsqu’on confie à quelqu’un un objet précieux et fragile. C’est vertigineux.

Parlez-nous de ce personnage. Comment avez-vous appréhendé ce rôle ?

E.C : Avec une perruque ! Quand j’ai lu le texte la première fois, je ne me sentais pas du tout de taille à aborder un tel personnage. Madame Marguerite est une maîtresse d’école qui s’adresse au public comme à des élèves de CM2. Elle a un rêve : les rendre complètement soumis. Son truc, c’est la dictature. Elle malmène ses élèves avec délice : elle les complimente, puis les insulte, puis les caresse, les fait rire, les terrifie, les adore et les déteste. Pour l’interprète, il faut trouver la bonne distance pour que ça reste drôle, et en même temps être complètement organique. Je ne trouvais pas. Puis un jour, dans un fond de costumes, je suis tombée par hasard sur une perruque rousse et bouclée (le contraire de moi qui suis brune à cheveux raides), et ça m’a soudain débloqué l’imaginaire. J’ai trouvé un chemin. Tout d’un coup j’étais autre, et je m’autorisais. C’est un personnage passionnant car Madame Marguerite est toute en dualité. Puissante mais fragile. Humaine et inhumaine. Monstrueuse et touchante. Drôle et glaçante. Folle, et pleine de bon sens. C’est pour ça qu’il y a mille manières de l’interpréter. C’est pour ça aussi que le texte est monté dans le monde entier, c’est un véritable phénomène de société !

On vous décrit comme une comédienne engagée, et les spectacles dans lesquels vous avez joué reflètent cette réputation. Parlez-nous du côté engagé de cette pièce.

E.C : "Madame Marguerite" a été écrite en 1970 par Roberto Athayde, alors jeune auteur de 20 ans, pour dénoncer la dictature au Brésil. La pièce contient toute la fougue et l’irrévérence de sa jeunesse révoltée par les abus de pouvoir. Elle décortique la fascination –si humaine- pour le pouvoir, et les mécanismes avec lesquels une dictature trouve son terreau dans la peur, l’ordre, et la tentation de la sécurité au détriment des libertés. Avec la Seconde Guerre Mondiale, on pensait avoir atteint le sommet de l’horreur. Mais aujourd’hui, avec la montée incroyable des dictatures dans le monde et la montée des extrêmes, notamment en Europe, on s’aperçoit qu’on n’est jamais à l’abri. Heureusement la pièce "Madame Marguerite" fait rire, et c’est ce qui a de plus efficace : on rit et on prend conscience. C’est ce que j’aime faire.

Comment avez-vous été approchée pour ce rôle ? Parlez-nous du casting.

E.C : Michel Giès cherchait une comédienne pour le rôle et a entendu parler de moi ; il est venu me voir jouer (dans le rôle d’une élève pourtant ! celle de "La Leçon" de Ionesco que je joue régulièrement au théâtre de la Huchette) et m’a proposé la pièce. On a fait une lecture, il m’a parlé de ses intentions de mise en scène, et nous avons eu envie de travailler ensemble.

En tant que comédienne, vous avez déjà passé beaucoup de castings. Une anecdote à nous partager ?

E.C : Le premier agent que j’ai eu, voyant dans mon CV que je parlais russe, m’a envoyé à un casting où l’on cherchait des femmes "typée de l’Est" ; traduction : longues et blondes. À peu près mon contraire. Sauf qu’il avait "oublié" de me le dire. Quand la directrice de casting a ouvert la porte, c’était comme dans un film, elle était entourée de grandes blondes et elle m’a dit : "vous venez pour quoi ?" La messe était dite. En fait c’était assez drôle. Mais j’ai quand même changé d’agent.

Quel conseil donneriez-vous à tous les membres de Casting.fr qui souhaitent réussir leur carrière artistique ?

E.C : Rester soi-même, ne pas chercher à plaire. Et ne pas se laisser impressionner. On fait ce métier aussi pour les rencontres. Réalisateur.rice.s, metteur.e.s en scène, directeur.rice.s de casting sont curieux de nous rencontrer aussi, il ne faut pas l’oublier. Si la rencontre n’a pas lieu, c’est que ce n’était pas pour soi. Mais notre engagement à nous, c’est d’être prêt.

Informations pratiques :

Dates : du 17 octobre 2023 au 17 janvier 2024

Lieu: Théâtre Essaïon, 6 rue Pierre au Lard, 75004 Paris.

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