Sarina : Un Voyage Musical et Inspirant entre Passion, Handicap et Engagement

Sarina : Un Voyage Musical et Inspirant entre Passion, Handicap et Engagement
Sarina, chanteuse, autrice et compositrice, partage son parcours artistique remarquable, depuis ses débuts musicaux en famille jusqu'à son engagement en tant qu’artiste porteuse de handicap. Elle nous présente son spectacle "Lève-toi", une œuvre poignante qui mêle musique, témoignage personnel et engagement féministe, tout en rendant hommage à des figures inspirantes comme Joséphine Baker, Dolly Parton et Billie Eilish. À travers cette interview, Sarina évoque sa vision de la musique, l’importance de se surpasser et de s’exprimer librement, ainsi que ses projets futurs.
Bonjour, Sarina, peux-tu nous parler de ton parcours d’artiste, de tes débuts jusqu’à aujourd’hui ?
S : Je m'appelle Sarina, j'ai 30 ans, je suis chanteuse, autrice, compositrice. Je suis basée entre la Belgique et la France et j'ai fait beaucoup de musique depuis que je suis toute petite. J’en ai fait avec ma grand-mère et ma famille depuis mes 4 ans. J'ai suivi un parcours de musique classique et j'ai fait beaucoup de pop aussi. J'ai sorti deux albums en Belgique et j'ai travaillé avec pas mal de chouettes personnes dans le milieu de la musique, comme Salvatore Adamo. Aujourd’hui, je reviens avec un long spectacle que je joue depuis mars au théâtre Essaïon. J’y raconte mon histoire de femme, d'artiste et de personne porteuse d'un handicap, car je suis aussi non-voyante depuis que j'ai 16 ans.
Comment est né le spectacle "Lève-toi" ?
S : En 2022, j'ai reçu un prix d'une association qui récompensait des femmes inspirantes dans plusieurs domaines. Il y avait la femme inspirante en technologie, en informatique, en médecine et plein d'autres domaines différents. Moi, j'étais femme inspirante de l'année en culture, et cela m'a énormément touchée. Je me suis par la suite demandé quelles étaient mes inspirations à moi, et c'est comme ça que j'ai commencé à faire des recherches. Je me suis rendu compte que toutes ces femmes qui m'avaient inspirée, toutes ces chanteuses, étaient des femmes qui avaient dû se battre pour changer un peu le monde, changer leur réalité avec leur musique. J'ai écrit ce spectacle pour raconter leur histoire et mon histoire avec ces femmes-là.
Tu mêles dans ce spectacle musique, récit intime, engagement féministe et universel. Qu’as-tu voulu transmettre au public à travers cette œuvre ?
S : J'ai d'abord voulu donner une part de moi-même, parce que depuis le début de ma carrière, j'évite de trop parler de moi. Et là, c'est vraiment la première fois que je raconte beaucoup de ma vie et que je me jette à l'eau. J'ai aussi voulu transmettre cette espèce de combat qui m'a été transmis par ces femmes-là et qui m'a portée. Un combat qui dit qu'on peut tous changer notre réalité et qu'on peut tous faire quelque chose pour changer un peu le monde. Je me dis que si elles ont réussi, alors je peux au moins essayer et peut-être qu’on peut tous essayer finalement. C’est un peu ça, le message. Et surtout, je voulais un esprit positif. Même si on peut parler de sujets difficiles, je voulais qu’il y ait de la lumière. J'avais envie que les spectateurs sortent avec le sourire.
Le public est plongé dans le noir au début du spectacle, pour vivre ton ressenti d’enfant. Pourquoi avoir choisi cette mise en scène immersive ? Quel effet souhaites-tu provoquer ?
S : Alors c'était un pari. J'avais envie d'ouvrir tout de suite la porte, que vous puissiez plonger instantanément dans mon univers, sans qu’il n’y ait de perturbation et que cela intrigue. C’est marrant, parce que le public est souvent marqué par cela et me pose beaucoup de questions. J'avais envie de créer une vraie expérience, de créer un moment. Il y a d'autres expériences sensorielles dans ce spectacle, si vous venez le voir. Quand j’écoute de la musique ou que je vais à un spectacle, j’ai envie que cela m’emmène loin de mon quotidien, loin de ce que j’ai mangé hier soir ou de mon planning. C’est ça que j’ai eu envie de faire, vous emmener loin d’une réalité que vous connaissez tous les jours.
Tu rends hommage à des femmes emblématiques comme Joséphine Baker, Dolly Parton et Billie Eilish et d’autres. Qu’ont-elles en commun pour toi ? Comment ont-elles nourri ta propre voix d’artiste ?
S : Il y a beaucoup de chanteuses qui ont fait des choses pour la collectivité et qui ont eu un parcours atypique. Et toutes ces femmes ont en commun qu’elles avaient d’abord un engagement, une spécificité. Dolly Parton venait d’une famille très pauvre. Joséphine Baker était noire, est arrivée à Paris et a dû faire sa place. Billie Eilish, c’est plus sur la santé mentale.
Elles n’ont pas attendu d’être connues pour parler de leur combat. C’est leur combat qui les a fait connaître autant que leurs voix. Elles ne se sont pas dit qu’elles allaient changer le monde, devenir une star et faire passer leurs idées. C’est juste que leurs voix étaient tellement fortes qu’elles se sont dit : “Moi, je vais me lever, je vais parler, et si on m’écoute, tant mieux. Si on ne m’écoute pas, tant pis.”
C’est toutes ces inspirations extraordinaires que j’ai voulu choisir et raconter. Je parle aussi d’Anne Sylvestre, qui avait un combat féministe et qui ne s’est pas fait que des amis. D’ailleurs, ce combat n’a pas forcément été positif pour toute sa carrière d’artiste mais elle avait l'envie de faire passer ses idées. Elle a chanté dans des conditions assez incroyables. Il y a aussi Joan Baez, qui chantait en Russie et au Vietnam pendant la guerre. Ce sont des femmes qui avaient un combat et qui se sont données pour le porter et je trouve cela inspirant.
Tu es en situation de handicap visuel depuis l’enfance. Est-ce que cela t’a posé des obstacles dans la construction de ta carrière artistique ? Comment as-tu réussi à transformer cette singularité en force créative ?
S : Je pense qu’on a tous des obstacles dans nos vies, de manière générale. Moi, c’est celui-là, mais tout le monde a des obstacles, qu’on fasse une carrière artistique ou pas. Le plus compliqué, pour moi, a été de savoir comment j’allais intégrer cela, parce que j’ai envie de faire de la musique. J’en fais depuis toute petite, c’est ma vie, c’est ma passion, c’est ce qui me porte. Je fais des spectacles depuis l’âge de 6 ans. C’est quelque chose que je connais très bien et que j’aime profondément.On a tous des passions comme ça dans notre enfance, et ce qui était particulier pour moi, c’est que j’ai dû me positionner par rapport à ce handicap.
Au début, c’était une question pour beaucoup de personnes, mais pour moi, ce handicap n’existait pas dans la musique car c’est un domaine où je n’ai pas besoin de mes yeux. Le spectacle a vraiment été un moyen d’apprivoiser cette singularité-là, et de dire que cela fait aussi partie de mon identité d’artiste. Des personnes, qui dans la rue auraient peut-être eu peur de me croiser, de me poser des questions, parce que parfois, on a peur du handicap, on a peur de la différence. Après avoir passé une heure avec moi, à chanter, à écouter mon histoire, viennent me parler et échanger avec moi. C'est un public qui vient de partout dans le monde et c’est un immense cadeau pour moi.
Que dirais-tu aux jeunes artistes qui rêvent de se lancer, mais n’osent pas ?
S : Le plus important c’est d’abord de faire ce qu’on aime. Faites ce qui vous plaît, même dans les pires moments, chantez pour vous, amusez-vous. Faites ce en quoi vous croyez, et ce que vous croyez être juste. Le fait de voir quelqu’un sur scène qui est lumineux, qui s’amuse, qui a envie de transmettre quelque chose, c’est le plus beau cadeau pour les spéctateurs. Amusez-vous, peu importe que ce soit devant dix personnes, dans une chambre, devant une école ou devant cinq mille personnes, cela ne change rien. L’essentiel, c’est la transmission, le plaisir et l’amour de ce que vous êtes en train de faire.
Tu interprètes dans plus de 15 langues, tu joues de plusieurs instruments, et tu composes tes chansons. Où puises-tu cette énergie et cette envie de t’exprimer aussi largement ?
S : Alors, je suis d’abord chanteuse, mais j’ai commencé le piano toute petite, et j’aime beaucoup cet instrument parce que c’est un instrument très complet. La guitare, c’est venu plus tard, parce que c’est un instrument assez complémentaire, et puis on se déplace plus facilement avec une guitare aussi. J’aime beaucoup aussi être actrice du spectacle. Je suis un peu moins à l’aise quand je dois rester debout pendant une heure à chanter avec des musiciens, mais au niveau énergétique, j’aime bien ce challenge , me dire “est-ce que c’est moi qui dois tout faire ou pas ?”. Jouer d’un instrument, ça vous apporte énormément et je pense que c’est quelque chose d’important à dire aux jeunes chanteurs ou artistes. La musique vous donne un vrai bagage, vous pouvez faire les choses par vous-même et je trouve cela très précieux. Je remercie vraiment ma grand-mère de m’avoir appris ça depuis que je suis petite, parce que ça m'aide énormément aujourd’hui.
Quels sont tes prochains projets ? Une tournée ? Un autre spectacle ? Un nouvel album ?
S : Il y a d'autres concerts qui arrivent et l'album du spectacle est sorti sur les plateformes. J'ai fait le Festival OFF Avignon cet été et le public me demandait toujours où est-ce qu'on pouvait réécouter les chansons du spectacle. Donc, j'ai enregistré un album du spectacle qui est un album live. Vous y retrouverez l'ambiance du spectacle si vous n'êtes pas encore venus le voir. Le projet actuel, c'est de partir en tournée avec le spectacle en France et en Belgique. J’aimerais aussi jouer dans des endroits insolites. Par exemple hier, j’ai chanté a cappella à la cathédrale de Grasse lors de la cérémonie officielle du 8 mai. J’aime bien faire des expériences avec différents partenaires et dans des lieux un peu différents.
Le spectacle de Sarina, "Lève-toi", est à voir jusqu'au 21 mai au Théâtre Essaïon à Paris (75004). Ne manquez pas cette expérience unique avant qu'elle ne se termine !