Faire dialoguer flamenco et jazz : le pari audacieux et réussi d'Antonio Placer Quartet avec le spectacle musical "Trovaores"

Faire dialoguer flamenco et jazz : le pari audacieux et réussi d'Antonio Placer Quartet avec le spectacle musical "Trovaores"

Faire dialoguer flamenco et jazz : le pari audacieux et réussi d'Antonio Placer Quartet avec le spectacle musical "Trovaores"

Aussi énigmatique que talentueux, Antonio Placer Quartet fait dialoguer jazz et flamenco dans "Trovaores". L'équipe de Casting.fr est partie à la rencontre de ce musicien, chanteur et poète originaire de Galice. Un voyage pour en découvrir davantage sur le mélange de culture et des genres musicaux

Antonio Placer Quartet, vous êtes chanteur et musicien. D’où vient cette passion pour la musique ? 

APQ : Ma passion vient de l’envie, depuis enfant, de savoir qui je suis et qu’est-ce que je suis venu apporter à ce monde. Ma mère chantait, mon père aimait la poésie et jouait de la guitare et mon oncle était chanteur amateur de tango. Mais c’est sans doute auprès de ma grand-mère paternelle et ma marraine que ma vocation s’est forgée. Deux femmes libres et aimantes de l’introversion et la nature. Elles sont pour beaucoup dans la construction invisible mais réelle de la pierre angulaire de mon art. Comme elles, je parle aux aliments poétiques et musicaux que je cuisine pour que ce public qui vient partager nos concerts puisse se nourrir autrement. Je n'ai jamais aimé le divertissement, mais plutôt la véritable culture vitale qui met en contact le public et les artistes pour qu’ils partagent ensemble un moment inoubliable. Et l’essence de ce moment soigne le cœur du monde. La robotisation sociale rend l’humain inerte. Le spectacle vivant ressuscite l’humain en nous. 

On vous retrouve dans "Trovaores", un spectacle unique mêlant flamenco, jazz et danse. Présentez-le nous. 

APQ : C’est au cœur des montagnes enneigées de Grenoble et de Grenade qu'est né le spectacle musical "Trovaores". Celui-ci est le fruit d’un croisement ardent entre plusieurs musiques d’où s’échappent des accents flamencos mêlés à des consonances jazz, sous la forme de chansons, de rythmes et de danses dont la finalité donne naissance à un art musical à la fois traditionnel et coloré de modernisme, baptisé "Trova-Flamenca". C’est une histoire musicale faite de normes et de transgressions, ventilée en sept tableaux, sept sonates qui évoquent l’union des improbables, lorsque le "Duende" (qui signifie en flamenco comme en corrida, l'engagement d’un individu qui ne triche pas avec ses émotions pour atteindre à une expressivité extrême, mais aussi le charme, l'envoûtement, la possession spirituelle ou amoureuse) l’oblige, tout en retenue, et que l’émotion s’impose... Sur scène, les quatre artistes que nous sommes prenons plaisir à nous retrouver pour créer une histoire musicale : deux voix rugueuses, vibrantes, profondes, complémentaires et contrastées, soutenues par des musiciens hors pair provenant d’horizons divers, sorte de passerelle entre les Suds d’ici et d’ailleurs. Ainsi, nous croisons deux univers artistiques et poétiques qui imposent l’émotion. On passe alors du flamenco le plus essentiel aux sonorités du jazz ou de la « Trova » poétique hispanique comme galicienne. Entre respiration salvatrice et rythme incandescent, la virtuosité du guitariste Canito, le timbre envoutant des deux chanteurs (Javier et moi-même) et l’intensité d’un danseur de flamenco (Abel) dont les moindres gestes sont habités par la musique de son âme, nous emportent progressivement, mais surement, dans une spirale où le chant, la danse et la musique fusionnent dans une symbiose exceptionnelle. "Trovaores", ce sont des textes embrasés, d’une puissance rageuse et d’une force intense, dans une mise en scène fougueuse et une interprétation enflammée, terriblement habitée, avec une musicalité puissante et une chorégraphie parfaitement incarnée. Avec ce quartet de musiciens véritablement virtuoses, nous proposons un spectacle d’une merveilleuse originalité et d’une force rare. C’est l’âme des « sons noirs » et l’esprit des rencontres. Je trouve que c’est un pur moment de grâce, une merveille de poésie, de beauté et d’émotion : une rencontre au sommet si on peut dire... » .

Comment est venue l’idée de création du spectacle ? 

APQ : L’idée est née de l’esprit du professeur d’université et spécialiste européen du flamenco, mon ami, Jean-François Carcelen. Il suit mon parcours d’artiste depuis plus de 25 ans et il m’a proposé d’unir ma musique de troubadour au flamenco. De là est né c’est qu’on a baptisé comme « Trova-Flamenca », un style nouveau qui fait honneur à l’art et à la vie.

Le spectacle mélange différents univers artistiques. Comment décririez- vous le vôtre ? 

APQ : Mon art consiste à vivre tout autrement. Je n’ai aucune foi dans le système éducatif, social ou politique. Je suis convaincu que leur éducation n’est que désinformation en vue de ralentir la compréhension naturelle de l’être humain. Ils ne proposent qu’excitation, belligérance, le culte de la gagne, robotisation, tension, vitesse… Donc mon art consiste à descendre à la mine de mon âme pour chanter les minéraux de mes entrailles profondes en dehors de modes et apparences. Je cuisine ces minéraux poétiques et musicaux avec patience, savoir-faire inné et totale concentration en vue de nourrir autrement ceux qui ont faim d’une autre chose que la pensée unique. J’aime prendre des risques. Mon sacré métier est de transformer l’impossible en nourriture terrestre.

Vous aimez la scène, ça se ressent. Vous êtes si généreux avec le public. Avez-vous un rituel avant une représentation ? 

APQ : Je m’amuse à dire que l’unique courage que je mets en pratique c’est celui d’être moi-même. Mon rituel, donc, se base dans un acte simple : lui donner la main à mon enfant de dedans et sortir sur scène avec lui pour jouer ensemble avec les amis et le public. Totalement et sans tenir compte des apparences. 

Avez-vous déjà passé un casting ou une audition ? Si oui, racontez- nous une anecdote. 

APQ : Oui, peu de fois. Si j’avais une anecdote à raconter ça serait celle-là : en 1978 je finissais mes études à Madrid. Mes parents ne voulaient pas que je sois artiste. Alors je jonglais entre la fac d’économie et mes premiers concerts. À l’époque j’ai gagné une bourse pour venir faire en France un doctorat d’économie de l’énergie. Mais je ne connaissais pas du tout la langue française . Et il a fallu (avec l’autre boursier) passer l’examen de français auprès du Consul de France à Madrid. Comment faire ? Il faisait chaud mais en toute circonstance à l’époque je me promenait avec un foulard autour du cou. Nous voilà donc devant le consul qui entend mon collègue boursier (lui, un sacré francophone) lui raconter son parcours universitaire. Moi, je souris au consul sans dire un mot. Le consul nous invite à passer dans un autre bureau pour qu’on lui prépare un écrit concernant nos envies futures en France. Je me suis dit : "Je suis foutu ! Quelqu’un va nous surveiller et ils vont s’apercevoir de mon illettrisme en français !" Sauf… qu’il n’y a personne pour nous surveiller. Mon acolyte fait sa rédaction et en la finissant il recommence la mienne avec amitié. On est à nouveau devant M. le Consul qui entend parler mon collègue pendant qu’il lit nos écrits. Il se tourne vers moi me questionnant en français. Et là avec tranquillité je fait un signe comme quoi je suis aphone (j’ai pris froid… soi-disant… Merci mon cher foulard !). Mon ami rebondit en disant que j’ai une petite angine. Et là, le consul qui lance ceci en regardant droit dans les yeux mon autre ami boursier Juan Garijo : « Ah dommage qu’il ne puisse pas nous parler parce que son écrit est plus intéressant et mieux rédigé que le vôtre".Je suis retourn" voir le consul en septembre. J’avais pris une prof de français durant l’été et j’ai parié sur le fait que le consul allait me poser les mêmes questions qu’il nous avait posé dans ce mois de juin. J’ai appris toutes les réponses phonétiquement… et je suis arrivé en France le 22 Octobre 1978.

En juillet 2023, le public pourra découvrir "Trovaores" à l’occasion du Festival Off d’Avignon. Que représente le festival pour vous ? 

APQ : Un énorme marché ou le talent essaye de faire trébucher le pédant divertissement. 

Le mot de la fin : un conseil pour tous les artistes inscrits sur Casting.fr et qui souhaitent se lancer ? 

APQ : Il se porte bien celui qui invente le monde à chaque instant ! Confiance, compromis, persévérance ! Un abrazo !

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