Julien Goetz, comédien, vous raconte son parcours et se livre sur son rôle dans la pièce "Deux frères"

Julien Goetz, comédien, vous raconte son parcours et se livre sur son rôle dans la pièce "Deux frères"

Julien Goetz, comédien, vous raconte son parcours et se livre sur son rôle dans la pièce "Deux frères"

Bonjour Julien Goetz. Comme Renaud Merviel, vous avez aussi plusieurs cordes à votre arc, puisque vous avez fait du doublage, de la création de documentaires et, bien sûr, de la comédie. Avez-vous une préférence pour l’un des domaines ?

J. G : Être acteur est vraiment le cœur de mon travail. C'est la place qui me semble la plus juste. Mais j'ai la chance d'avoir un arc avec des cordes complémentaires. Le travail en voix-off par exemple, c'est une autre façon de questionner l'interprétation. La voix est forcément très centrale, on se concentre sur d'autres leviers de jeu, on va chercher dans d'autres directions qui servent ensuite lorsque l'on revient à l'image ou sur scène. Quant aux films documentaires que j'ai la chance de faire, ils nourrissent forcément mon jeu d'acteur. Ils me poussent à m'interroger sur le fonctionnement du monde dans lequel nous vivons et ils me permettent des rencontres souvent magiques et marquantes. Des femmes et des hommes qui ont d'autres expériences de vie, d'autres points de vue, d'autres ressentis. C'est très enrichissant pour un acteur ou une actrice. On a besoin d'être ancrés dans la vie, dans sa complexité et sa diversité, pour ensuite créer nos personnages.

Parlons de votre profession de comédien. Comment êtes-vous parvenu à obtenir ce rôle dans Deux frères ?

J. G : Ça a été un processus très long, éprouvant et fastidieux. Non, je plaisante. J'ai eu la chance de croiser Renaud dans un atelier de travail entre actrices et acteurs, il y a un an à peine. À la fin de l'atelier, il m'a parlé de la pièce. Il m'a envoyé le texte que j'ai pris le temps de lire. J'ai été touché et séduit par le thème tout comme par son écriture donc j'ai dit "banco !" sans hésiter. À partir de là, on a commencé à se voir plus régulièrement pour travailler. On a fait évoluer le texte, on a construit les personnages, la mise en scène et, hop, quelques semaines plus tard, on était sur scène ! Juste avant d'arriver à la Comédie des 3 Bornes, on a repris toute la mise en scène avec Déborah Krey et ça a encore été un superbe moment de travail qui nous a permis de trouver de nouvelles choses pour porter cette histoire au mieux. Tout s'est fait très naturellement, très simplement. C'est précieux ce genre de rencontres dans nos métiers.

Dans la pièce, vous interprétez le rôle d’André, le frère épargné par les coups de son père à l’inverse de Renaud. Il s’agit d’une situation très difficile. Comment parvenez-vous à entrer dans la peau du personnage ?

J.G : C'est une question complexe, et je ne suis pas sûr d'avoir toutes les clés pour y répondre précisément. On n'a pas toujours autant de recul sur notre propre travail, je crois. Ce qui est sûr, c'est que "Deux Frères" est une pièce éprouvante à travailler, justement parce qu'elle nous oblige à explorer des territoires intimes difficiles. Ça ne se voit pas forcément immédiatement quand on assiste à une représentation car la pièce est enlevée, pleine de vie et de joies, malgré les violences paternelles. C'était d'ailleurs une vraie volonté de ne pas sombrer dans le pathos ou le drame à outrance. Mais pour arriver à faire exister cette pulsion de vie sur scène, on est obligé de charger nos personnages d'un passif lourd. Il faut lester ces deux frères, Renaud et André, de la violence qu'ils ont reçue. Et ça, c'était parfois éprouvant pendant les phases de répétitions. Parce que c'est dans ces moments-là que l'on creuse le plus profondément. On a beau savoir que c'est du "jeu", cette violence nous traverse forcément à chaque répétition et à chaque représentation. Ça laisse parfois des traces. Et puis, le travail documentaire, là aussi, m'a aidé à construire le personnage d'André, à faire un chemin vers lui. En me documentant sur la question des enfants battus, sur les ressentis, sur la résilience et en essayant de laisser tout cela résonner avec mon propre vécu. Voilà, je vous avais prévenu, c'est peut-être un peu flou comme réponse mais c'est un bout du travail.

Votre relation avec Renaud Merviel est-elle aussi fraternelle que sur scène une fois dans les coulisses ?

J.G : Certainement pas ! Elle l'est bien plus ! On ne se met jamais de gifles en dehors de la scène. Blague à part, c'est une sacré chance de travailler avec Renaud sur ce projet car la connexion est simple, naturelle. Il y a beaucoup de respect sur notre travail mutuel et j'ai vraiment la sensation que l'on a construit la pièce ensemble. Il a apporté l'élément central, le texte, qu'il a construit avec beaucoup d'intelligence et de talent et, à partir de là, on a travaillé ensemble pour habiter cette histoire à deux. Et forcément, comme on traverse des émotions fortes sur scène, ça nous rapproche aussi en dehors. C'est fou de se dire qu'on ne se connaissait pas il y a un an. D'ailleurs, quand on le raconte aux personnes qui viennent voir la pièce, une bonne partie ne nous croient pas. Ils et elles sont persuadées que notre complicité et notre fraternité viennent de plus loin !

Comment s’est déroulé le casting pour cette pièce de théâtre ? 

J.C : Zut, j'ai déjà en grande partie répondu à cette question un peu plus haut. Il n'y a pas eu de casting à proprement parler. C'était plus une rencontre. Mais j'en profite pour préciser que Renaud a eu un sacré coup d'œil car notre fraternité fonctionne tout de suite "à l'image". Ça se sent dès l'affiche et c'est très efficace sur scène : on peut vraiment croire que l'on est frères. C'est central. Si en arrivant dans le théâtre, dès la première seconde où vous nous voyez sur scène, vous croyez que l'on peut être frères, c'est que vous êtes déjà dans notre histoire. On a besoin de cette première évidence pour construire le reste du récit. Donc Renaud a eu ce talent là (encore un) de monter une bonne distribution pour cette pièce.

Avez-vous des conseils à donner à ceux qui voudraient devenir comédien ?

J.C : Wow, il y en aurait tellement. Et je suis bien loin de tous les connaître ! Je crois que le premier conseil, et qui risque de suivre une actrice ou un acteur tout au long de sa carrière, ça serait : bosse ton endurance. Ce métier est une course de fond permanente, un marathon sans ligne d'arrivée. Quand on joue, c'est facile (et encore, pas toujours ). On ne se pose pas de question (ou moins) : on est sur scène ou sur un plateau de ciné, on fait notre boulot, on vit notre passion. Ok. Mais le plus dur, ce sont tous ces moments où l'on n'est pas en jeu. Et il peut y en avoir beaucoup. Toutes ces périodes de creux où l'on finit parfois par oublier pourquoi on a choisi cette voie-là. C'est là qu'il faut être solide. Il ne faut pas s'attendre à ce que ces moments-là disparaissent comme par magie parce que "ça commence à marcher pour moi". Nope. Même pour des actrices ou des acteurs "installés", ces moments de creux existent. Et là aussi, ils sont parfois violents à vivre. Donc il faut s'y préparer. L'une des options (et ce n'est certainement pas la seule), c'est de rester toujours en mouvement, d'essayer d'être toujours en jeu, d'une façon ou d'une autre. Monter des collectifs, rencontrer du monde, créer des projets, aller voir les autres jouer... Rester dans le bain, tout le temps. Même quand c'est bénévole, qu'on est obligé de cumuler deux boulots alimentaires et qu'on a l'impression qu'on n'en peut plus. Il faut tenir, trouver une nouvelle respiration, faire passer les points de côté et ne jamais oublier le plaisir du jeu. Ça me semble essentiel d'avoir en tête dès le départ qu'on part pour une course de fond et pas pour un sprint. La préparation n'est pas la même. Pour le reste, il n'y a pas deux acteurs ou actrices qui auront le même parcours, à chacun.e de trouver le sien. Ça reste un "travail" très intime, il faut trouver comment on s'y sent bien et ça prend parfois du temps. Allez, un p'tit dernier peut-être, pour la route : lire. Il y a plein de gens qui ont écrit des choses passionnantes sur notre métier. Instinctivement je pense aux livres de Peter Brook, à l'incroyable "L'acteur et la cible" de Declan Donnellan, au livre "Audition" de Michael Shurtleff (dispo uniquement en anglais), à Stanislavski... Mais il y en a plein d'autres, des biographies d'acteurs, d'actrices, de réals, de metteurs ou de metteuses en scène, de directeurs de castings... C'est toujours bien d'avoir quelques bouquins que l'on gardera toujours sur notre table de chevet et que l'on pourra parcourir à nouveau dans les moments de doutes. Allez, bonne route ! 

Retrouvez toutes les informations sur la pièce "Deux frères" dans notre article.

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